Observation

Introduction

Plusieurs notions sont communes en sciences de la santé et sociales. Au plan méthodologique, les sciences se basent surtout sur la démarche scientifique, qu’elles adaptent à la réalité des différentes professions. Les sciences sociales sont un bon exemple d’adaptation de la démarche au niveau empirique. En psychoéducation, l’objet des recherches est l’humain et son comportement. Afin d’effectuer une collecte de données intéressantes, que ce soit dans le cadre d’une recherche ou lors d’une évaluation, l’observation se trouve à être un outil totalement adapté et nécessaire à la réalité des psychoéducateurs.

L’observation est considérée comme une compétence requise de la discipline de la psychoéducation. Elle se présente comme un élément de base permettant une analyse clinique dans le travail du psychoéducateur. C’est sur l’observation que repose toute la démarche psychoéducative, puisqu’elle permet d’avoir un portrait du sujet et de la problématique. L’observation peut être utilisée par les psychoéducateurs qui travaillent dans un contexte expérimental. Elle peut aussi être présente dans le quotidien que partagent le psychoéducateur clinicien et le sujet, appelé vécu éducatif partagé.

Le présent article fait état du concept d’observation en général, et plus particulièrement de son utilisation en psychoéducation. De plus, la description de certains types d’observation sera présentée. Le lecteur sera en mesure d’évaluer les avantages et que les désavantages, ainsi que l’application de chacune de ces types d’observation seront présentés.

Définition

Au sens général, l’observation fournit des données par plusieurs techniques tels que l’observation directe, l’observation rapportée (aussi appelé indirecte), les questionnaires, les sociogrammes, etc. L’observation au sens strict se définit par ce dont l’humain peut être témoin avec ses sens. L’observation exige du temps, mais elle est riche en informations. (Berthiaume, 2004)

La littérature distingue généralement quatre types d’observation qui seront présentés dans cet article: l’observation directe, l’observation indirecte, l’observation participante et l’observation engagée.

L’observation se distingue de l’évaluation par le fait qu’elle consiste en l’action de porter consciemment attention à un sujet afin de noter la présence d’éléments permettant de mieux le connaître. (Berthiaume, 2004) En comparaison, l’évaluation quant à elle repose plutôt sur le fait de mettre les informations collectées en lien avec des critères. En effet, il est important de tenir compte des nouveaux éléments ou des éléments qui changent tout au long de la démarche. Dans le domaine des sciences sociales, il est donc possible de parler d’observation comme outil permettant à se familiariser avec le sujet et aidant à faire des hypothèses sur celui-ci. L’utilisation de l’observation peut aider à récolter des données permettant de tester certaines hypothèses dans le cadre de la recherche.

Historique de l’observation

Ayant toujours été présentes dans l’évolution de la science, les techniques d’observation se sont grandement améliorées, en passant de la création du télescope à la création du rayon X. Les chercheurs ont toujours cherché à la perfectionner. Lorsque Galilée a découvert que la Terre n’était pas au centre du système solaire, cela a amené des philosophes à se pencher sur l’individu et les forces qui l’influencent. L’observation a alors pris une place plus prédominante dans les sciences sociales au 18e siècle. En effet, Irwin et Bushnell (1980) rapportent que les premiers individus à s’intéresser aux comportements humains étaient des « observateurs-artistes-scientifiques ». Comme aucun métier ou domaine de recherche n’était rattaché à l’observation, ce terme regroupe les grands domaines dans lesquels œuvraient les gens qui s’intéressaient aux comportements de l’homme.

Par ailleurs, la première étude recensée sur un enfant date de 1774 par Johann Heinrich. À partir de ses observations, il a écrit sur le développement de son propre fils. Pour lui, l’importance des observations des enfants permettait de dégager des lois propres au développement humain et de les relier aux conditions environnementales favorables à ce dit développement. Il considérait aussi la dimension sociale de la relation éducative. Pour lui, c’est de cette façon, qu’il devenait possible de rendre effective la capacité d’action de l’enfant. (Soëtard, 1994)

Tout comme Heinrick, plusieurs pionniers ont observé en premier lieu leurs propres enfants. Pendant le 19e siècle, Darwin fut l’un de ces pionniers. En premier lieu, il observait les animaux, pour ensuite se centrer sur son fils. Il a fait plusieurs parallèles entre les comportements animaux et humains. Selon les différentes approches, les observations proviennent de centrations différentes (Irwin et Bushnell, 1980) Freud a développé davantage l’auto-observation, tandis que les tenants du béhaviorisme tels que Watson et Pavlov, avec des expériences réalisées au début du XXe siècle, se sont centrés sur l’observation de comportements observables par les sens, faisant abstraction de l’aspect cognitif du comportement humain. Binet a, pour sa part, étudié le développement du sens de l’observation de façon empirique. Piaget quant à lui a reconnu l’utilité des deux types, autant l’auto-observation que les observations obtenus par les sens. Les tenants de l’approche écologique ont ajouté la notion d’influence de l’environnement du sujet. (Irwin et Bushnell, 1980) L’utilisation de l’observation était donc différente selon les approches, mais les écrits sur ces méthodes ont sans aucun doute développé et influencé l’observation actuelle.

Le champ de l’observation s’est davantage développé dans les dernières décennies. Certains auteurs en psychoéducation se sont penchés plus en profondeur sur le sujet, tel que Atlan et Paquette(2012), Pronovost, Caouette et Bluteau (2013). Cependant, des critères de validité et de fidélité fixes concernant les observations faites par les professionnels ne sont pas encore établis. Chacun fait du mieux qu’il peut pour établir des critères acceptables. (Merrell, 2003) Il est à noter que certains auteurs ne croient pas que des critères fixes sont nécessaires. De plus, les définitions de chaque comportement peuvent varier d’une étude à l’autre, ce qui rend plus difficile la comparaison entre les études ainsi que l’utilisation des résultats. L’apparition de l’accord inter-juge permet l’amélioration des indices de validité et de fidélité, concepts qui sont expliqués plus loin dans cet article.

L’observation en psychoéducation

L’observation vise des objets et des objectifs différents selon les disciplines. Pour ce qui est de la psychoéducation, l’observation consiste en l’une des premières étapes de la démarche professionnelle du psychoéducateur, ainsi qu’en une compétence professionnelle. Elle se retrouve donc au cœur de la discipline. L’observation en psychoéducation est dite continue, puisqu’elle reste présente et constante pendant toute la démarche psychoéducative. Il est important de tenir compte des éléments qui s’ajoutent tout au long de la démarche. Par exemple, si un élève mentionne qu’il a un nouveau petit frère à la maison, cela peut venir modifier certains comportements sans que cela soit nécessairement lié aux centrations d’observation choisies. L’arrivée du petit frère peut faire en sorte que l’enfant modifie ses comportements puisque sa situation familiale a changé.

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Son rôle en tant qu’étape de la démarche psychoéducative permet de recueillir un certain nombre d’informations en situation de vécu éducatif partagé du sujet ou dans un milieu où des variables précises sont contrôlées, par exemple dans le contexte d’une recherche. Ces informations peuvent être en lien avec divers aspects du sujet, tels que le niveau de développement, par exemple, la façon d’interagir avec les autres ou de répondre à la demande de l’adulte, etc. L’observation porte sur des comportements moteurs, des attitudes langagières, des interactions relationnelles, etc. (Medinnus, 1976) Ces observations ont comme objectif d’amener le psychoéducateur à mieux recenser les comportements adaptatifs de l’individu qui mèneront à des hypothèses sur ses vulnérabilités. Elle est cruciale dans l’optique où tout repose sur la collecte d’informations, habituellement constituée de diverses observations telles que des observations directes, indirectes, etc. Cette étape précède l’analyse. (Pronovost, Bergeron, Lajoie et Trudel, 2010) Dans l’observation psychoéducative, deux types de collectes sont présentes. La collecte d’informations est perçue au sens large, alors que par exemple, des informations nominales sur la famille, sur le sujet et autres sont rapportées. Ces informations sont présentées sous forme d’anamnèse. La collecte de données concerne plutôt une observation centrée sur des comportements dits adaptatifs ainsi que sur le milieu dans lequel évolue le sujet. Le psychoéducateur, via sa formation et ses expériences, a développé et continue de peaufiner ses observations. Un bon psychoéducateur doit être capable d’observer avec ses sens, mais aussi de mettre par écrit de façon objective et précise ce qu’il a vu. Cela demande un entraînement ainsi que de multiples occasions de pratique. Il se doit aussi de toujours avoir en tête les différents biais qui peuvent se présenter tout au long de la démarche et il doit en tenir compte dans son analyse future. Dans sa formation, celui-ci a appris à utiliser les observations recueillies pour émettre des hypothèses valides. Cela démontre à quel point l’observation est l’élément de base de toute la démarche psychoéducative et à quel point elle doit être faite avec rigueur (Gendreau, 2001).

Types d’observation

Observation directe

Dans le domaine des sciences sociales, plusieurs types d’observation sont utilisés. L’observation directe n’étant pas une observation propre aux sciences sociales, elle peut être utilisée dans différents domaines. La définition présentée ici, ainsi que les exemples, permettent de comprendre l’observation directe dans un milieu de vie où un psychoéducateur peut être amené à observer.

L’observation directe réfère à ce qu’un professionnel a véritablement vu. Il ne s’agit pas d’une information rapportée par une tierce personne. Il s’agit également d’observations faites hors d’un contexte d’interaction. Ce type d’observation est fait au moment où l’observateur observe des comportements précis du sujet dans un environnement donné. L’observation directe permet de décrire en termes de comportements observables et précis ce que l’intervenant a vu. Cette observation permet de décrire avec plus d’objectivité le comportement et il n’est pas réfutable dans la mesure où il est précis. L’objectivité parfaite est ce qui est souhaité, mais beaucoup debiais peuvent se présenter. Ce concept sera développé plus loin. (Irwin et Bushnell, 1980) Ce type d’observation s’utilise lorsque la technologie et les connaissances théoriques ne permettent pas de mettre au point un instrument mesurant ce qui est recherché, ce qui est plus souvent possible dans les sciences de la santé (ex : thermomètre pour prendre la température du corps). L’humain, par ses cinq sens possède une capacité d’observer plus large qu’un instrument matériel. (Beaugrand, 1988)

Voici un exemple d’observation directe. Une éducatrice peut véritablement dire à la mère d’un enfant que celui-ci est resté couché pendant 30 minutes durant l’après-midi. Puisque l’éducatrice était présente tout au long de la sieste, elle est à même de constater que l’enfant est resté dans cette position pendant le temps mentionné. Un autre exemple démontre bien l’observation directe. L’éducatrice de Max peut affirmer avec certitude qu’il était absent hier. L’observation ne serait pas directe, si l’éducatrice était en congé la veille et aurait reçu l’information de la remplaçante. (Berthiaume, 2004) L’observation directe repose donc sur le fait de rapporter exactement le comportement observé, avec le moins d’interprétations possibles.

Il s’agit ainsi de décrire une séquence de comportements de façon narrative. Les mots utilisés doivent permettre de distinguer ce qui a été observé. Ils doivent permettre d’identifier si le comportement est similaire ou non à un autre déjà observé. Cela permettra ainsi une meilleure classification dans le cas d’une évaluation diagnostique par exemple. (Lamour et Barraco, 1999) Il va de soi que l’utilisation de mots inadéquats peut amener des biais dans le rapport d’observation. Afin de contrer ces derniers, l’observation directe peut être planifiée à l’aide d’un plan d’observation. Ce dernier permet d’indiquer la façon de contrôler certaines variables ainsi que d’identifier les modalités retenues pour noter les mesures et les observations. (Beaugrand, 1988).

Il est d’ailleurs important de neutraliser l’effet de la présence de l’observateur et les attentes de ce dernier. L’observateur ne doit pas influencer les comportements des sujets. C’est pour cette raison que dans certain cas, l’intervenant se place derrière un miroir sans tain, par exemple et fait de l’observation directe à distance. Dans ce cas, l’observateur devra tout de même se munir d’un consentement du sujet. De plus, les attentes du chercheur représentent un biais et ce dernier apparaît au moment de l’identification des comportements du sujet. Pour se protéger de ce biais, il est important de bien définir les critères d’identification descriptifs et concrets par le plan d’observation par exemple. Ensuite, comme l’objet d’observation est le chercheur lui-même, il se peut que la constance de l’instrument (i.e l’observateur) ne soit pas juste. Ce dernier peut être fatigué, peut présenter de l’instabilité dans ses capacités d’attention, ce qui pourrait émettre des observations imprécises. (Beaugrand, 1988). La notion de biais est davantage décrite pour loin dans le texte.

L’observation directe est donc présente dans une grande partie du travail du psychoéducateur qui partage son quotidien avec les sujets en difficulté. Comme ce dernier ne peut toujours être présent au travail, il profite aussi d’observations indirectes présentées ci-dessous.

Observation indirecte

Encore une fois, ce type d’observation ne se retrouve pas que dans l’approche psychoéducative. Très présente en psychoéducation, cette méthode de collecte de données nécessite d’être définie et d’en comprendre les avantages et les désavantages pour maximiser son utilisation.

Tout d’abord, ce type d’observation provient d’informations non-observées directement par l’observateur. Par exemple, en regardant le résultat d’un test ou en utilisant une information rapportée par un collègue. Il utilise donc l’information sans avoir véritablement observé .le sujet. L’information provient alors d’une source indirecte. (Berthiaume, 2004) Par exemple, l’analyse de tests fournit des résultats pouvant être utilisés pour connaître ou comprendre l’enfant, sans toutefois avoir observé avec les sens du psychoéducateur, ce qui s’avère tout de même très utile. De plus, comme le psychoéducateur est amené à travailler avec d’autres spécialistes ainsi qu’avec des outils d’évaluation, l’observation indirecte est très présente dans le quotidien du spécialiste. (Lamour et Barraco, 1999)

Toutefois, il faut mentionner que certains biais peuvent se présenter tout au long du processus de passation du test et même dans l’analyse de celui-ci. Il est possible qu’il y ait des erreurs de calculs ou d’analyse. Il va de même lorsque l’information est rapportée par un parent, un proche ou un collègue.

Dans le cas d’informations rapportées, il faut faire attention aux perceptions et aux jugements de la personne qui les rapporte. Par exemple, un collègue peut rapporter que l’enfant manque d’attention. Cette formule est souvent utilisée et est donc banalisée. Comme ces informations n’ont pas été observées directement, il est davantage important qu’elles soient décrites avec le plus de précision et d’objectivité possible. Il faut donc questionner le collègue sur ce qu’il a véritablement vu et entendu. Il faut mettre de côté l’analyse qu’il a faite du comportement. (Berthiaume, 2004) De plus, comme les entrevues avec les acteurs présents dans l’environnement du sujet sont un bon moyen pour le psychoéducateur de recueillir de l’information, il faut davantage être sensible à la subjectivité que peuvent présenter les propos. Il est à noter que plus le temps entre l’événement observé et le moment où il est communiqué au psychoéducateur est long, plus l’observation est sujette au biais. De plus, il est aussi très difficile de valider les informations rapportées, puisque l’événement est passé (Vasta, 1979).

Le principal avantage des méthodes indirectes est qu’elles sont moins coûteuses. Observer directement un sujet à la fois est coûteux en termes de temps de d’argent. Les méthodes d’observation indirectes permettent de recueillir des informations rapidement et ce, sur plusieurs centrations à la fois. En faisant remplir une grille d’observation à l’enseignant et au parent, par exemple, le professionnel gagne du temps puisqu’il ne lui reste qu’à l’analyser. (Pellegrini, 1996) Cette technique peut avoir comme effet de contrer un biais, par la quantité supplémentaire d’informations qu’elle amène à une collecte de données.

Alors, la présence de l’observation indirecte dans le travail du psychoéducateur est évidente. Comme celui-ci n’est pas toujours présent où les situations se déroulent, il doit être habile à travailler en équipe et à retourner valider les propos en termes de comportements observables. Par exemple, dans le cas où un éducateur nommerait à son collègue qu’un jeune est manipulateur, le psychoéducateur peut alors demander au collègue de lui nommer les comportements qu’il a véritablement observés pour illustrer ce qu’il veut dire..L’observation indirecte permet d’avoir recours à plusieurs sources afin de dégager un meilleur portrait de sujet. Comme les propos rapportés peuvent être déformés, biaisés ou encore mal analysés, il est nécessaire d’avoir plusieurs sources d’informations sur le sujet pour permettre une meilleure connaissance des différentes facettes de celui-ci. Il ne va pas sans dire que partager les moments avec le jeune demeure un élément-clé dans la collecte de données.

Observation participante

L’observation participante utilise les moments de vécu partagé comme source d’information. Elle représente un type d’observation lors duquel le psychoéducateur est présent et participe activement à la vie de groupe. Il est donc intégré au groupe et interagit avec les sujets qu’il veut comprendre. (Berthiaume, 2004)

Selon Bogdan et Taylor (1975), le terme d’observation participante se définit davantage comme une enquête à travers des échanges verbaux et non-verbaux entre le sujet et le spécialiste. Avec l’observation participante, le psychoéducateur est impliqué dans l’échange et participe au contenu de celle-ci. Ce type d’observation perd en objectivité, car l’observateur est impliqué physiquement et émotivement dans le vécu du sujet. Au niveau éthique en recherche, cela implique que cette observation doit être annoncée aux sujets. En pratique, il faut nuancer cette règle. Celle-ci est implicite dans la mesure où le sujet le sait que le psychoéducateur va l’observer pour l’aider à améliorer ses capacités adaptatives, mais que ce dernier ne lui a pas dit clairement. Le risque d’annoncer l’observation est que le comportement du sujet se modifie. Ces mêmes auteurs proposent différentes phases pour procéder à une observation participante. Pour débuter, l’entrée dans un groupe ou dans une institution est une étape importante. Il s’agit de créer des liens de confiance avec les membres dans le but d’échanger ouvertement sur divers sujets. Dans cette phase, les auteurs suggèrent de se méfier des catégorisations que pourraient faire les sujets (ex : stagiaire); ces derniers peuvent avoir développé des comportements particuliers qu’ils répètent face à une personne d’un certain statut. Cela aurait pour effet de faire apparaître des comportements qui ne seraient pas présents habituellement. Ces comportements démontrent toutefois comment le sujet s’adapte à la nouveauté. Ils sont donc tout de même importants. Par la suite, la participation proprement dite se déroule dans un contexte à l’intérieur duquel l’observateur s’intègre à l’activité de l’individu ou du groupe et y participe. Ce dernier doit être authentique, rester lui-même, ne doit pas porter de jugement et ne doit pas étaler ses connaissances théoriques. Il doit s’efforcer des trouver des points communs entre lui-même et les sujets, ce qui aide à avoir de bonnes relations. Cela peut être fait dans une optique de développer un lien avec le sujet. Le but est aussi de permettre une observation sans influencer l’adaptation du sujet par les actions du psychoéducateur. Dans le contexte de l’observation participante, le professionnel utilise ses sens et ses émotions pour se laisser imprégner par l’atmosphère qui existe dans l’environnement des individus observés afin de formuler des hypothèses sur leur adaptation. Ce type d’observation est plus subjectif et est davantage sujet à des imprécisions dues au délai entre l’observation et la prise de note, qui n’est pas immédiate. Le professionnel peut être amené à intervenir à travers ce type d’observation puisqu’il est en contact constant avec les sujets. (Berthiaume, 2004)

Junker (1960) a développé trois types d’implications pour un observateur dans une situation. En premier lieu, l’observation participante périphérique se décrit comme une situation où l’observateur crée des liens de confiance avec les membres du groupe et participe aux activités. Cependant, ce dernier n’occupe pas de rôle important dans la situation étudiée. Ce type d’observation permet de limiter l’implication dans les activités du groupe, par exemple dans le cas où le chercheur ne partage pas les mêmes convictions religieuses que le groupe étudié. Le deuxième type d’observation participante est celle dite active. Dans ce cas, le spécialiste doit faire preuve de rigueur en jouant deux rôles différents. Le premier est son rôle de membre du groupe alors que l’autre est celui d’observateur. Cela lui permettra de participer à la vie de groupe tout en ayant un pied externe dans son rôle d’observateur. Il est alors présent et participe à l’action de manière non-verbale. Ce type d’implication permet d’entrer dans le groupe plus facilement et elle diminue l’effet indésirable que le chercheur pourrait entraîner dans le groupe, en influençant les comportements des sujets par des commentaires, des réactions, etc. Le dernier type d’observation est celui de la participation complète. Adler et Adler (1987) amènent une division de ce concept. La première partie est fondée sur une appartenance préalable à la situation. À ce moment, l’observateur profite de l’opportunité qu’il détient d’observer à partir du statut qu’il possède. La seconde partie consiste à une participation complète par conversion, dans la mesure où ce type d’observation exige que « le chercheur devienne le sujet qu’il étudie », dans le cas d’un phénomène de groupe par exemple. (Lapassade, 1991)

Certains chercheurs diront que l’observation est toujours participante dans la mesure où même si l’observateur ne participe pas à l’action, il est tout de même présent et influence par son langage non-verbal, par sa présence, par sa formation, son sexe et par son fonctionnement. Ils ne distinguent pas l’observation directe de l’observation participante. (Lamour et Barraco, 1999) Cette technique de collecte de données requiert de l’organisation ainsi qu’une capacité d’auto-évaluation, car l’intervenant est amené à intervenir en même temps qu’il interagit avec les sujets (Berthiaume, 2004). Il est donc important de bien maîtriser les différents schèmes relationnels pour que l’utilisation de soi-même soit optimale.

Ce type d`observation est particulièrement présent dans les organisations où les psychoéducateurs travaillent dans des milieux de vie. Ils partagent plusieurs moments de la vie quotidienne avec les sujets. Cela leur permet de voir les patrons de comportements dans un milieu de vie naturel (famille) ou organisé (foyer de groupe, par exemple). Dans certain cas, l’observation nécessite plus que seulement vivre avec le sujet. À travers ses interventions, le psychoéducateur agit consciemment et en mémorise les impacts.

Observation engagée

La psychoéducation étant une discipline où le professionnel accompagne souvent l’individu dans son quotidien, il est amené plus souvent que dans d’autres disciplines à faire de l’observation engagée.

Berthiaume (2004) distingue l’observation engagée de l’observation participante. Cependant, il est à noter qu’en pratique, il y bien peu de différences. Selon l’auteure, l’observation engagée se déroule lorsque l’intervenant est dans le vécu du sujet. Ce qui différencie ce type d’observation avec l’observation participante, est le fait que tout au long de sa présence, l’observateur utilise ses connaissances pour venir en aide au sujet. Il peut aussi utiliser ce qu’il voit, ce qu’il entend et ce qu’il ressent pour y parvenir. Ce type d’observation rejoint une technique d’intervention nommée « aide opportune », dans l’optique où cette intervention supporte le sujet dans une situation de déséquilibre. (Renou, 2005)

Autres types d’observation

Berthiaume (2004) fait mention d’un autre type d’observation, soit l’observation non-participante. Elle mentionne que l’intervenant peut être présent et peut observer sans intervenir alors que sa participation n’est pas jugée nécessaire. Par exemple, un intervenant pourrait observer son groupe d’enfants alors qu’il s’agit de la stagiaire qui procède à l’animation d’un atelier. L’observateur ne serait pas impliqué dans la situation à moins d’un contexte particulier.

Certaines collectes de données peuvent nécessiter une observation plus systématique. Dans certains cas, les séquences d’observation vont être limitées dans le temps à raison par exemple d’une heure par jour. Berthiaume (2004) nomme ce type l’observation continue. Les comportements seront notés rigoureusement afin de les analyser et de les coder. Dans ce cas, une grille d’observation préparée à l’avance est nécessaire. L’observateur peut y noter la fréquence d’apparition du comportement, le délai entre chaque manifestation, etc. Il est nécessaire dans la préparation de la grille de bien définir chacun des comportements à observer. Dans certains contextes, il peut être intéressant que plusieurs observateurs notent les comportements des mêmes enfants pendant la même séquence, avec la même grille. Par la suite, l’indice d’accord inter-juges obtenu sera comparé à des critères préétablis. Un des désavantages de cette méthode est que le fait de fragmenter la période d’observation amène des centaines de séquences à comparer avec chacun des observateurs. (Vasta, 1979) Cela représente un travail de longue haleine, bien que le résultat permette de réduire considérablement la subjectivité. Un autre avantage de cette méthode va dans le sens du contrôle des variables de l’étude. Bien que cette méthode d’observation puisse être fort utile pour établir par exemple un niveau de base d’un certain comportement, , il faut rester prudent sur la généralisation possible de ces résultats dans la vie quotidienne, découlant d’observations dans un milieu artificiel.

Dans un autre ordre d’idée, il est à noter que malgré les grandes avancées technologiques, il demeure très coûteux de créer un système informatisé qui serait propre à chaque étude. Bien que ce système enregistrerait les divers comportements de l’individu observé, plusieurs comportements ne peuvent être programmés d’avance. Ces derniers ne seraient donc pas recensés. Le fait qu’un humain procède à l’observation peut permettre d’obtenir une base de données exhaustive qui pourrait même servir à des recherches futures. Bien entendu, des caméras et des micros pourraient être utilisés pour capter le déroulement de la séance d’observation. Toutefois, il demeure important de noter ce qui amène l’apparition du comportement observé, ce qu’un système automatisé ne pourrait déceler. (Vasta, 1979) Un des concepts qui distingue la psychoéducation des autres professions est le vécu éducatif partagé. Ces opportunités sont donc des moments-clés pour procéder à collecte de données via l’observation. Ces événements se déroulent dans un milieu naturel où le sujet vit une partie de son quotidien. Pour les observations ne se déroulant pas dans des laboratoires de recherche ni à des moments précis, la possibilité d’utiliser un système informatisé est très peu réaliste. Merrell (2003) ajoute même que l’impact de la présence d’un observateur « humain » est moins grand que la présence d’un système informatisé ou d’une caméra.

Validité et fidélité

Lorsqu’un psychoéducateur fait de l’observation, selon le type qu’il utilise, différents biais peuvent se présenter. Un biais consiste en un phénomène présent lors de la période d’observation qui pourrait venir modifier les véritables résultats. Ce type de biais réduit la validité interne de la séquence d’observation. Cela veut dire que l’influence du phénomène en question s’ajoute aux conditions présentes dans la séance d’observation sans toutefois que l’observateur puisse dissocier ce qui apparait dû au phénomène ou dû aux conditions environnementales. (Robert, 1988) Dans le cas d’observation directe ou participante, les attentes de l’observateur peuvent influencer ce qu’il va rapporter par écrit. Par exemple, si le psychoéducateur a une hypothèse en tête sur un sujet, il pourrait être porté à rattacher les comportements du sujet à son hypothèse sans que cela ne soit approprié pour autant. Une façon de contrer ce biais est les précautions de double insue. Cela suppose que la personne qui observe n’est pas celui qui anime l’activité. De cette façon, ce dernier est moins impliqué dans la situation. L’effet de l’expérimentateur regroupe aussi toutes les caractéristiques personnelles de l’observateur, telles que sa nationalité, son statut social, etc. Ces éléments peuvent aussi avoir un effet sur les sujets. (Robert, 1988)

Un autre phénomène nommé « désirabilité sociale » peut se présenter en période d’observation, particulièrement lors des observations participantes et engagées. Ce biais se présente lorsque le sujet agit en fonction de ce qu’il croit être adéquat aux yeux de l’observateur au détriment de ses propres comportements. Un autre biais peut se présenter, c’est-à-dire celui de la fluctuation de l’instrument de mesure. Ce phénomène se produit lorsqu’il y a modification de la sensibilité à décoder les variables observées, pour quelques raisons que ce soit. Cela peut aller aussi dans un sens où les capacités d’observation de l’intervenant augmentent à cause de l’expérience. Il pourrait y avoir des comportements qui ne seraient pas rapportés au début mais qui pourraient l’être plus tard. Il aussi important de mentionner que la maturation des sujets aura un impact sur les observations. (Robert, 1988) L’observation continue, présente dans l’ensemble de la démarche psychoéducative permet de contrer ce biais.

Dans certains cas, il est important de mesurer l’erreur lié à l’observateur, il s’agit de la fidélité des observations. Certains plans d’observation contiennent des grilles d’observation à utiliser. En ayant un souci d’augmenter la fidélité des observations, l’intervenant peut faire remplir la même grille d’observation à un autre intervenant. La même grille est donc remplie au même moment de manière indépendante par deux observateurs. Par la suite, un calcul nommé « accord inter-juges » s’effectue. Il est aussi possible de faire un « accord intra-juge » ce qui consiste en deux observations faites par le même observateur, mais à deux reprises à des moments précis. Par exemple, un même observateur pourrait remplir une grille d’observation lors de routine du matin, et ce à tous les matins pendant une semaine. En faisant l’accord inter-juges ou intra-juge, différents calculs produisent des coefficients qui permettent à l’observateur de qualifier ses observations. (Harris et Lahey, 1978)

Tableau comparatif des types d’observation

Types d’observation Avantages Inconvénients
Directe -grande précision
-peu de réfutation possible
-plus large éventail d’observations possibles lors des moments de vie (vs. Instrument)
-nécessite que l’observateur ait constaté avec ses sens
-sensibilité à la présence de l’observateur
-l’observateur n’est pas toujours au bon moment à la bonne place
Indirecte -moins coûteux (tests)
-économie de temps (possibilité de tester plusieurs sujets à la fois)
-large éventail de sources d’informations rapportées
-perte de précision quant aux observations rapportées par un autre intervenant
-sensibilité aux jugements et aux perceptions (subjectivité)
-éventail restreint de données (tests)
Participante -présence de relations (plus ou moins significatives) avec le sujet
-utilisation des interactions avec le sujet comme sources d’informations
-perte d’objectivité, présence de biais dû à la présence de l’observateur
-sensibilité aux délais temporels entre l’observation et la notation
Engagée -utilisation des connaissances de l’observateur dans les interactions
-utilisation sur le champ des observations
-perte d’objectivité due à l’implication physique et émotionnelle de l’observateur

Conclusion

L’observation est présente comme méthode de collecte de données en sciences sociales depuis des centaines d’années. L’observation est un concept-clé au cœur du travail du psychoéducateur. En effet, c’est son utilisation qui fait la force de la profession.

Cependant, comme il a été mentionné plus haut, certains aspects de l’observation restent questionnables. Quelle est le niveau de subjectivité accepté? Comment améliorer la formation au niveau des techniques d’observation? Quel est le niveau de fiabilité des observations rapportées? Est-il nécessaire de mettre ces balises?

Comme en psychoéducation, l’observation fait partie des opérations professionnelles et est aussi une étape dans la démarche psychoéducative, il semble important de parfaire les techniques d’observation et de sensibiliser les intervenants à la rigueur nécessaire pour observer

Bibliographie :

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Harris, F.C. & Lahey, B.B. (1978). A method for combining occurrence and nonoccurrence interobserver agreement scores. Journal of Applied Behavior Analysis, 11, (pp.523-527)

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Junker, Buford H. (1960) Field Work: An Introduction to the Social Sciences. Chicago: University of Chicago Press.

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Lapassade, G. (1991). L’ethnosociologie: Les sources anglo-saxones. Paris: Méridiens Klincksieck

Medinnus, G. (1976). Child study and observation guide. New York: John Wiley and Sons, Inc.

Merrell, Kenneth W. (2003) Behavioral, Social and Emotional Assessment of Children and Adolescents. New Jersey: Lawrence Erlbaum

Pellegrini, A.D (1996), Observing children in their natural worlds: a methodological primer, New Jersey: Lawrence Erlbaum

Portelance, C. (2004). Les besoins psychiques. dans Relation d’aide et amour de soi. Les Éditions du Cram Inc. Collection Psychologie.

Pronovost, J., Caouette, M. et Bluteau, J. (2013). L’observation psychoéducative : concepts et méthodes. Longueuil: Béliveau

Pronovost, J, Bergeron, G, Lajoie, G et Trudel, D (2010) Guide d’évaluation psychoéducative, Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec (OPPQ)

Renou, M. (2005). Psychoéducation, une conception, une méthode. Montréal: Béliveau éditeur.

Robert, M (1988). Validité, variables et contrôle. dans Fondements et étapes de la recherche scientifique en psychologie (3e édition). Robert, M. (Ed.), (pp.79-118). Edisem, Saint-Hyacinthe

Soëtard, M (1994). Johann Heinrich Pestalozzi, Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée, XXIV 1-2, p. 307-320. Récupéré du site de la revue : http://www.ibe.unesco.org/fileadmin/user_upload/archive/publications/ThinkersPdf/pestalof.pdf

Compléments

Comment citer

Desruisseaux Rouillard, F. (2012). Observation. Dans Unipsed.net. Repéré à unipsed.net/index.php/articles/223-observation

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3 réponses à «Observation»

Marc-Olivier Schülea écrit:

Je conseille la lecture de ce document en particulier pour les points suivants: - La structure de celui-ci - comment enregistrer les données d'observation; les systèmes d'observation

Devroede, M., & Soulières, A. (1976). L’observation directe à dimension humaine : art et science. École de Psychoéducation, Université de Montréal.

Marc-Olivier Schülea écrit:

Ce document pourrait également être intéressant à cause de : 1) son orientation très clinique (malgré le fait qu’il soit centré uniquement sur le milieu scolaire) 2) Le fait qu’il fournisse des grilles d’analyse qui pourrait être utile aux intervenants 3) Le fait qu’il soit accompagné par une vidéo.

Champoux, L., Couture, C., et Royer, E., (1992) école et comportement : l’observation systématique du comportement, Gouvernement du Québec, Ministère de l’éducation, Direction de l adaptation scolaire et des services complémentaires. ISBN : 2-550-23450-2

Marc-Olivier Schülea écrit:

Le livre sur l'observation psychoéducative (cf référence) pourrait permettre d'approfondir certains points. En particulier: Chapitre 1 (Jonathan Bluteau): - Les différents types d'observation - Le dilemme objectivité-subjectivité Chapitre 4: - La notion de comportement adaptatif. Je trouverais passionnant d’ avoir des articles surs: - Le TOCA - Le MOACA Merci!

Pronovost, J., Caouette, M., et Bluteau, J. (2013) L observation psychoéducative, Concepts et méthode, Canada, Longueuil, Béliveau éditeur.