Code et procédure (composante)

RÉSUMÉ

Le code et procédure est l’une des composantes satellites de la structure d’ensemble. Celle-ci a été publiée pour la première fois par Gilles Gendreau en 1978 dans le livre «L’intervention psycho-éducative Solution ou défi?». Elle a depuis été améliorée et retravaillée notamment par Gendreau (Gendreau 2001; Gendreau, Prince, & Bernier, 2005) et Renou (2005)

La composante code et procédure peut être comprise de la façon suivante:

– Code : « C’est un ensemble de règles, de règlements, relatifs à un contexte donné. (Ex : conduite individuelle ou sociale). Cet ensemble peut être compris comme généralisable à toute situation (Ex : code de vie personnel/code professionnel) ou comme spécifique à un contexte particulier présentant des particularités évidentes (Ex : Dans le centre on règle les conflits sans violence physique). » (Gendreau, G., & Boscoville 2000, 2003).

– Procédure : « Manière de procéder qui découle d’une valeur pour aboutir à un certain résultat. » (Gendreau, G., & Boscoville 2000, 2003).

L’objectif de cet article est de permettre au lecteur de se familiariser avec les concepts de code et de procédure dans le cadre de la structure d’ensemble, ainsi qu’avec son application pratique.

1) Quelle est l’importance de ce concept dans la théorie psychoéducative?

La structure d’ensemble est l’un des concepts théoriques majeurs en psychoéducation. Son utilisation est d’ailleurs l’une des caractéristiques qui tendent à distinguer la psychoéducation des autres disciplines sociales. La composante code et procédure en tant que composante de celle-ci est donc essentiel.

2) Quel est le niveau de connaissance associé à ce concept?

Étant donné qu’à ce jour il n’existerait aucune recherche soutenant la théorie de la structure d’ensemble ou de son efficacité lors de l’application, cela implique qu’il en est de même pour la composante code et procédures. Toutefois, il est possible de trouver des recherches dans le champ de la psychologie et en particulier dans celui de l’éducation qui démontrent l’importance des règles dans le développement et dans la réinsertion des sujets.

3) En quoi ce concept est-il important dans la pratique psychoéducative aujourd’hui?

La structure d’ensemble est considérée généralement comme un élément central de la psychoéducation en tant que méthodologie de pratique (Renou 2005). La composante code et procédure en tant que composante de celle-ci est donc essentiel.

Le code et procédure est l’une des composantes satellites de la structure d’ensemble. Elle fut développée par Gilles Gendreau et ses collaborateurs et publiée pour la première fois en 1978 dans l’ouvrage «L’intervention psycho-éducative : solution ou défi? ».

Le code et procédure  peut être défini comme l’ensemble cohérent de règlements et de procédures qui traduisent, en vue de leur application dans la pratique, les valeurs et les règles de conduite que le milieu juge appropriées au respect de sa mission et de ses objectifs (Gendreau, 2001).

L’objectif de cet article est de permettre au lecteur de se familiariser avec cette composante tout d’abord sur le plan théorique et ensuite sur le plan clinique. Dans un premier temps, la composante code et procédure sera définie et placée dans la structure d’ensemble. Par la suite, ses différentes subdivisions seront présentées. Finalement, les applications pratiques et les études empiriques faites sur cette application seront brièvement abordées avant de terminer par une courte conclusion.

Définition :

La première définition de la composante code et procédure a été développée par Gendreau en 1978. Il définissait ainsi le code comme l’ensemble rationnel et fonctionnel des lois qui véhiculent une partie des valeurs et des normes propres à la philosophie de base du milieu. De même, pour Gendreau, les procédures (également appelées consignes) sont les façons de faire, c’est à dire des démarches et des méthodes à suivre dans le temps et à l’intérieur de la logique des éléments de la réalité.

En 2001, Gendreau a précisé que les codes et les procédures sont l’ensemble cohérent de règlements et de procédures qui traduisent, en vue de leur application dans la pratique, les valeurs et les règles de conduite que le milieu juge appropriées au respect de sa mission et de ses objectifs.

En 2005, Renou reprend cette définition et la reformule ainsi :

  • Code : « Dans le sens savant, nous parlerons de code pour désigner l’ensemble des règles fondamentales visant à faire respecter les normes de conduites. Ces normes seront en accord avec les valeurs sous-jacentes, la philosophie d’intervention éducative du milieu et le sens du mandat confié à l’intérieur duquel prend place l’intervention spécifique concernée.  Il détermine ce que l’on s’attend comme comportement de la part du sujet et ce qui est considéré comme déviant de la norme établie pour respecter les valeurs prônées » (Pg355).
  • Procédure : « Marches à suivre qui sont proposées pour le déroulement de chacune des périodes d’activités afin que le code soit respecté. » (pg171). Il précise également que ce sont « des façons de faire, des démarches et des méthodes à suivre à l’intérieur de la logique de l’agencement des éléments de la réalité de la situation concernée. C’est donc une façon privilégiée de respecter le code » (Pg 356).

Finalement, dans le cadre des recherches menées à Boscoville 2000 (Gendreau, G., & Boscoville 2000, 2003;Gendreau, Prince, & Bernier, 2005a ; Gendreau, Prince, & Bernier, 2005b), les définitions de Renou ont été reprises et complétées avec les définitions suivantes :

  • Code : « C’est un ensemble de règles, de règlements, relatifs à un contexte donné. (Ex : conduite individuelle ou sociale). Cet ensemble peut être compris comme généralisable à toute situation (Ex : code de vie personnel/code professionnel) ou comme spécifique à un contexte particulier présentant des particularités évidentes (Ex : Dans le centre on règle les conflits sans violence physique). » (Gendreau, G., & Boscoville 2000, 2003).
  • Procédure : « Manière de procéder qui découle d’une valeur pour aboutir à un certain résultat. » (Gendreau, G., & Boscoville 2000, 2003).

Lors de ces recherches, d’autres aspects ont été retravaillés dont  notamment l’ajout des notions de valeurs et de normes qui seront abordées dans les sections suivantes.


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 Figure 1 : emplacement dans la structure d’ensemble  (Gendreau, Prince, & Bernier, 2005a).

La composante code et procédures est une composante satellite. Elle est donc influencée par les sujets, les éducateurs ainsi que les objectifs visés. De plus, elle est influencée par toutes les autres composantes satellites. Par exemple, si la composante programme est modifiée, cela peut entraîner une modification des procédures afin de rendre l’ensemble des composantes plus dynamique et plus logique.

Subdivisions

Au fil des années, cette composante a été subdivisée de nombreuses façons. Nous verrons dans le cadre de cet article les trois principales divisions (Renou, 2005):

  1. Division en fonction du degré d’opérationnalisation
  2. Division en fonction de l’échelle d’application
  3. Division hiérarchique

 

A) En fonction du degré d’opérationnalisation :

La première division concerne le degré d’opérationnalisation. Elle est possiblement la division la plus utilisée étant donné sa facilité d’utilisation dans l’application clinique. En 1978, seules deux degrés d’opérationnalisation étaient recensées : code et procédures (Gendreau, 1978). Toutefois, au fil des années, les notions de valeurs et de normes ont été rajoutées au modèle afin de rendre celui-ci plus complet et permettre aux intervenants de mieux comprendre le contexte dans lequel s’inscrit le code. La figure 2 illustre cette nouvelle opérationnalisation.


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Figure 2 : valeurs normes et procédures (Gendreau, Prince,  & Bernier, 2005a)

Les valeurs sont l’expression d’une réalité désirable que poursuit l’être humain qui donne un sens à son existence, à ses conduites, à une société, à un groupe (Gendreau, G., & Boscoville 2000, 2003). Il est capital de comprendre qu’une valeur comporte une dimension interne à la personne (ce qui est cru bon pour soi) et une dimension externe (ce que nous percevons comme essentiel au bon fonctionnement d’un groupe) (Gendreau, Prince, & Bernier, 2005b). De plus, il est important de comprendre que tout milieu affirme nécessairement, que ce soit explicitement ou non, un ensemble de valeurs qu’il juge fondamental à une existence harmonieuse.

La plupart du temps les valeurs remportent une plus grande unanimité dans les milieux que les normes les codes ou les procédures. Il peut donc être tentant de rester à ce niveau d’abstraction. Toutefois pour réaliser ces valeurs, les acteurs d’un milieu doivent aller plus loin dans leur réflexion et opérationnaliser ces valeurs en normes (Gendreau, 2001). Les normes sont des valeurs traduites de manières conséquentes et qui permettent d’offrir un cadre social vivable et cohérent (Gendreau, G., & Boscoville 2000, 2003). Ces normes de conduites sont importantes puisqu’elles influencent la façon dont les acteurs du milieu jouent leurs rôles et guident ainsi la conduite vers l’objectif (Gendreau, 2001).

Le code est l’ensemble des règles fondamentales visant à faire respecter les normes de conduites (Renou 2005). Son objectif est de traduire les valeurs et les normes de façon suffisamment précise pour que chacun  puisse facilement discerner les « meilleures » façons d’agir (Gendreau, 2001). Le code n’est pas là pour énoncer une série d’interdits, mais pour supporter l’émergence et le maintien d’interactions appropriées entre le sujet et la réalité du milieu. Il permet de vivre dans un ordre donné, en vue d’un bien-être particulier relié à la personne et au bien commun.  Le code rend possible plus qu’il ne défend. Il nous permet d’atteindre nos objectifs (Gendreau, 1978).

Les procédures sont « des façons de faire, des démarches et des méthodes à suivre qui visent à faciliter le respect du code par le jeune et l’éducateur dans le contexte de l’intervention » (Gendreau, 2001 pg 274). Elles sont le résultat de l’opérationnalisation du code, donc elles en constituent les signes les plus visibles et immédiatement perceptibles (Renou, 2005). Les procédures peuvent varier selon les contextes et les personnes, mais elles sont toujours en lien avec le code et doivent être révisées régulièrement pour s’assurer de leur congruence avec les valeurs sous-jacentes au code (Gendreau, Prince, & Bernier, 2005b ; Renou, 2005). L’objectif des procédures est de fournir des indications plus précises et plus fines à l’application du code dans le contexte de l’ici et maintenant (Gendreau, 2001). Ce sont donc les balises qui permettent au sujet de respecter le code (Renou, 2005). De plus, lorsqu’elles s’appuient sur des procédures fonctionnelles, les situations permettent à tous de consacrer leurs énergies à l’essentiel de leur travail : la relation avec le jeune dans et par le vécu éducatif partagé (Gendreau 2001). Par exemple, en évitant les tâtonnements liés à la recherche du « comment faire » dans les routines ou les tâches régulières du quotidien, il est possible d’investir plus de temps et d’énergie dans la construction d’une relation significative avec le sujet.

B) Division en fonction de l’échelle d’application

La seconde subdivision a été décrite par Renou (2005) qui a établi les deux échelles d’applications suivantes :

  • Pour le milieu
  • Pour une activité ou une période

Au niveau du  milieu, « Ce sont les lois; règlements, conventions, us et coutumes qui sous-tendent les valeurs et les normes de fonctionnement d’un milieu. Les balises qui encadrent les différents programmes spécifiques ou activités routinières dans les différents lieux à différents moments » (Renou, 2005 pg 171). Au niveau de l’activité ou de la période, « Le code comprend les balises qui encadrent le comportement des acteurs en vue de l’atteinte des objectifs » (Renou, 2005 pg 171). Cette subdivision permet entre autres d’établir un code ou des procédures qui sont propres à une activité ou à un milieu précis. Par exemple, alors qu’il n’est pas permis de crier dans un milieu de vie, il sera possible de le faire dans une activité sportive.

C) Division hiérarchique

Enfin, il est également possible  de classer les codes selon un ordre hiérarchique allant du plus général au plus particulier, par exemple en partant du code général de la société, pour aborder le code particulier du milieu dans lequel prend place l’intervention concernée et terminer par le code spécifique à l’organisation de cette intervention (Gendreau, Prince, & Bernier, 2005b). En effet, l’intervention elle-même nécessite des codes, mais ceux-ci sont également influencés par le milieu dans lequel elle se déroule et qui comprend lui-même un code. Ce milieu est lui-même en lien avec une société qui a établi des normes, des codes et des procédures permettant de maintenir certains standards de comportement. La figure 3 illustre la hiérarchisation.

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Figure 3 : La hiérarchisation des codes (Gendreau, Prince,  & Bernier, 2005a)

Application clinique :

Renou (2005) a établi une mise en garde au niveau de cette composante : « Cette composante code et procédures est peut-être l’une des plus difficiles à aborder « en soi » sous un aspect logique et rationnel. En effet, on a souvent tendance à y accoler toute une gamme de perceptions plus ou moins négatives. Elle est ainsi, pour plusieurs, synonyme de rigidité, de répression de la spontanéité des sujets, de non-respect de leur liberté et de leur autonomie.  C’est en quelque sorte la composante « police » de l’intervention spécifique concernée, comme de l’ensemble du milieu d’intervention » (Pg 355-356).

Comprendre la raison d’être des codes et procédures:

Avant d’appliquer un code et des procédures, il est important de bien comprendre le but de cette composante. L’intégration de la composante code et procédure  à la structure d’ensemble vise à favoriser l’atteinte des objectifs de réadaptation. En effet, le code et les procédures, s’ils sont utilisés adéquatement, permettent non seulement de vivre dans un ordre donné, mais supportent aussi l’émergence et le maintien d’interactions appropriées entre le jeune et la réalité du milieu. Ainsi, Renou (2005) rappelait que la composante code et procédure joue certes un rôle important dans la démarche évolutive du jeune, mais elle ne peut à elle seule soutenir intégralement cette démarche. Elle doit être comprise et appliquée en équilibre avec les autres composantes. Ainsi, le code donne du sens aux valeurs véhiculées par le milieu. Dès lors, il n’est plus perçu comme une source de contrôle aversif, mais plutôt comme un moyen de support aux interactions relationnelles entre les acteurs de la démarche de réadaptation (Gendreau, Prince, & Bernier, 2005b).

Comment créer un code et des procédures ?

Au départ, les règles de vie doivent traduire des comportements attendus (Massé, Desbiens, & Lanaris, 2013). Tel que mentionné précédemment, le code découle des normes qui sont elles-mêmes inspirées des valeurs. Le code mise d’avantage sur ce qui est permis que sur ce qui est interdit. C’est pour cette raison que Gendreau (2001) suggère d’utiliser une formulation positive (Gendreau, 2001 ; Trudeau, Desrocher, & Tousignant, 1997 ; Bissonnette Bouchard, & St-Georges, 2011).

D’autres écrits ont également recensé les qualités d’un code idéal tel que l’illustre l’encadré 1.

Encadré 1 : les qualités d’un code idéal
La stabilité du code :
On conçoit facilement que le code sera influencé par une série de facteurs. Cela ne veut pas dire que le code devrait fluctuer selon les circonstances passagères, l’humeur particulière des éducateurs et les différentes urgences du moment reliées aux sujets (Renou, 2005).
L’évolution du code :
S’il est vrai que le code doit être stable, donc non fluctuant, il n’en demeure pas moins qu’il doit pouvoir évoluer à partir d’une modification possible des normes établies (Renou, 2005).
La mobilité du code :
Il est vrai que, de par sa fonction même, le code doit pouvoir être généralisable et s’appliquer à un ensemble de personnes, de circonstances et de situations (Renou, 2005).
L’objectivité du code :
Le code doit être objectif et dépersonnalisé ou « désubjectivé » : telle règle s’applique non pas parce qu’elle concerne tel jeune ou tel éducateur, mais parce que tout deux participent à la vie d’un groupe et que  cette règle s’applique à tous les membres du groupe (Gendreau, 2001). Il est toutefois important de préciser qu’« un code dépersonnalisé n’est pas un code déshumanisé » (Gendreau, G., & Boscoville 2000, 2003). En effet, « l’équité que recherche l’équipe d’éducateurs pour faire appliquer et maintenir le code dépersonnalisé constitue un indicateur du respect et de la considération pour les individus, le groupe et le milieu » (Gendreau, Prince, & Bernier, 2005b).

 

Il est suggéré de décrire les attentes avec des mots simples, de se limiter à un petit nombre de règles (5-8 pour une classe ; 10-15 pour une unité). De plus, il est important que les règles soient affichées visiblement dans l’environnement (Trudeau, Desrocher, & Tousignant, 1997 ; Bissonnette Bouchard & St-Georges, 2011). Les règles doivent également être claires et explicites. Ainsi, selon Gordon (1979  in Massé, Desbiens, & Lanaris, 2013),  une des sources première des problèmes en classe est la difficulté qu’ont les enseignants d’expliciter leurs attentes et d’être constants par rapport à elles. Exprimer clairement ses attentes – ce qui est l’un des objectifs de la composante codes et procédure, force l’enseignant ou l’intervenant à plus de constance et de cohérence. Rappelons également que puisque dans un contexte clinique le sujet est le premier responsable de sa démarche de réadaptation, il peut être pertinent de s’interroger sur sa participation à l’application, au maintien, mais également à l’évolution du code (Gendreau, Prince, & Bernier, 2005b).

Afin d’illustrer ce que peut être la composante code et procédures, nous allons reprendre et approfondir la section Code de l’exemple utilisé dans l’article structure d’ensemble :

 

Trudeau Desrocher et Tousignant (1997) ont, quant à eux, conçu un ensemble de balises pour aider les enseignants à établir des règles de vie efficace.

Les règles et les conséquences efficaces sont : Les règles et les conséquences inefficaces sont :
Connues : Inconnues :
Elles sont affichées et elles servent quotidiennement de référence. Elles sont cachées et surprises
Comprises : Incomprises :
Elles sont claires et elles ont le même sens pour tous. Elles sont confuses et nébuleuses.
Partagées : Unilatérales :
Elles ont été discutées. Elles sont arbitraires.
Utiles : Superflues :
Elles sont peu nombreuses et nécessaires à la vie en société. Elles ne permettent pas de faire de nouveaux apprentissages.
Raisonnables: Abusive :
Elles sont sécurisantes et elles favorisent la responsabilisation de l’élève. Elles sont excessives et injustifiées et n’ont aucun lien avec le manquement.
Appliquées avec constance : Appliquées selon les circonstances :
Elles sont toujours respectées et elle garantisse un traitement équitable. Appliquées selon les circonstances et l’humeur, elles ne garantissent pas un traitement équitable

 

Application du code 

Parler de l’application  des codes et procédures implique de s’intéresser aux moyens de mise en interaction utilisés pour l’appliquer. Bien que cela aborde également la composante moyens de mise en interaction, il nous semble pertinent d’aborder brièvement ce point dans le cadre de cet article.

Outres les explications et la présentation du code, l’un des moyens de mise en interactions principal utilisé est l’application de conséquences dans la gestion des comportements. Ainsi, (Dreikurs, Grunwald, & Pepper  1971 in Massé, Desbiens, & Lanaris 2013) ont rappelé que les conséquences, afin d’être efficaces, doivent être liées à la règle. Les conséquences logiques devraient toujours avoir un but éducatif ou une visée de réparation. Ainsi, elles ne devraient jamais être arbitraires, mais plutôt prévues d’avance. L’encadré 2 présente les deux types de conséquences.

Encadré 2: les types de conséquences
Les conséquences naturelles et les conséquences logiques. Le premier type découle directement du geste. Par exemple,  si je cours vite et que je ne fais pas attention, je vais tomber. Le deuxième type est une convention établie entre les parties, mais est aussi lié directement au comportement qui pose problème. Par exemple, si je n’écoute pas pendant que mon enseignant parle, je perds mon droit de parole (Massé, Desbiens, & Lanaris, 2013).

 

Pour que le code soit pris au sérieux, il est important surtout au début de son application d’éviter de faire des exceptions (Massé, Desbiens, & Lanaris, 2013). Toutefois, précisons que l’application d’un code nécessite un équilibre entre d’une part le « laxisme » et d’autre part une application « rigide ». Le code et les procédures ne sont pas une fin en soi. En effet, le code est un outil parmi d’autres et doit être considéré pour ce qu’il est: une composante de la structure d’ensemble permettant d’aider le jeune à atteindre ses objectifs (Gendreau, Prince, & Bernier, 2005b).

L’application de conséquences ou de punitions n’est pas le seul moyen d’application envisageable. Par exemple, plusieurs recherches ont démontré qu’il est préférable de viser la prévention plutôt que la réaction et qu’il est positif de créer un environnement de classe ou l’enseignant se centre sur le comportement approprié  (Lewis & Sugai, 1999). Les lecteurs intéressés par cet aspect peuvent consulter le tableau ci-dessous.

La prévention plutôt que la punition dans l’application du code
 Les règles et les routines sont des éléments  préventifs importants de l’organisation en classe puisqu’ ils établissent le contexte comportemental de la salle de classe en spécifiant ce qui est attendu, ce qui va être renforcé et quelles seront les conséquences en cas de comportement inapproprié. Cela permet de prévenir les problèmes de comportement en donnant aux élèves des comportements appropriés spécifiques dans lesquelles s’engager. (Colvin, Kame‟enui, & Sugai, 1993 in Oliver, Wehby & Reschly, 2011). Cette vision a favorisé le développement de nouveaux modèles de gestion des comportements. On peut ainsi citer notamment le modèle de soutiens au comportement positif  (Bissonnette, Bouchard, & St-Georges, 2011) également nommé « Positive behavioral intervention and support » (Sugai, & Simonsen, 2012). Celui-ci se fonde sur l’idée que les comportements souhaités et les compétences comportementales attendues en classe et hors classe doivent être définis précisément, enseignés explicitement et reconnus lors de leurs manifestations. Parmi les dix composantes importantes de ce modèle, il y a l’identification des valeurs, la définition des attentes comportementales, l’enseignement explicite des attentes comportementales, l’élaboration d’un système de renforcement, l’élaboration d’un continuum d’interventions ciblant les différentes problématiques comportementales et l’analyse de la fonction des comportements (Bissonnette, Bouchard, & St-Georges, 2011). Ce programme semble être efficace pour réduire les suspensions scolaires et améliorer le rendement des élèves dont la motivation à respecter les règles augmente (Muscott, Mann, & LeBrun, 2008 ;Muscott, Szczesiul, Berk, Staub, Hoover, & Perry-Chisholm, 2008 ; Horner, Sugai, Smolkowski, Eber, Nakasato, Todd, & Esperanza, 2009 ; Bissonnette, Bouchard, &  St-Georges, 2011).

 

Soutiens empiriques :

Étant donné qu’à ce jour il n’existerait aucune recherche soutenant la théorie de la structure d’ensemble ou de son efficacité lors de l’application, cela implique qu’il en est de même pour la composante code et procédures. Toutefois, il est possible de trouver des recherches dans le champ de la psychologie et en particulier dans celui de l’éducation qui démontrent l’importance des règles dans le développement et dans la réinsertion des sujets.

Ainsi il a été démontré que dans  le milieu familial, la mise en place de règles claires joue un rôle de protection dans le développement de l’enfant. (Berk, 2008). De façon générale, on remarque que celles-ci ont essentiellement un impact positif sur l’application de la discipline (Berk, 2008 ; Hektner, Brennan, & Brotherson, 2013) et dans le contrôle de comportements spécifiques tel que l’usage de la télévision (Ramirez, Norman, Rosenberg, Kerr, Saelens, Durant, & Sallis, 2011). Il est toutefois important de noter que cela dépend des pratiques parentales utilisées pour appliquer ces règles (Berk, 2008) et de leur adéquation avec les caractéristiques personnelles de l’enfant, en particulier son tempérament (Schermerhorn & Bates, 2012).

Le plus grand corps de recherche se retrouve dans le domaine de la pédagogie. En effet, au niveau de l’éducation, la question des règles est discutée au sein des réflexions sur la gestion de classe, or ce sujet est la requête la plus fréquente des professeurs (Rose & Gallup, 2005). Dans le milieu scolaire, des règles claires sont reconnues comme favorisant la réussite des élèves (Massé, Desbiens, & Lanaris, 2013) et la diminution des problèmes de comportement manifestés par ceux-ci (Oliver, Wehby & Reschly, 2011) tout en réduisant les niveaux  de stress et les burnout chez les enseignants (Oliver, Wehby & Reschly, 2011). En effet, les élèves ont besoin de se sentir en sécurité pour bien se développer. Les règles de vie et l’obligation de s’y conformer constituent le cadre sécurisant dont les élèves ont besoin et en l’absence de cadre, ils peuvent se sentir perdus (Fize, 2004 in Massé, Desbiens, & Lanaris, 2013). L’absence de règle pour un jeune c’est la menace à tout moment de débordement, d’excitation. La présence de limites et la nécessité de les respecter sécurisent l’élève, diminue ses angoisses et de ses peurs car elles lui fournissent une structure et un cadre de fonctionnement (Massé, Desbiens, & Lanaris, 2013). Notons qu’il existe également de nombreuses autres approches intéressantes d’application du code qui sont soutenues empiriquement tel que le « good behavior game » (Barrish, Saunders, & Wolf, 1969 ; Embry, 2002 ;   Kellam, Mackenzie, Brown, Poduska, Wang, Petras, & Wilcox, 2011).

Dans le domaine de la réadaptation, les politiques, les règles et les procédures ont été reconnues comme étant une composante importante de l’intégration des élèves présentant des troubles du comportement (Massé, Desbiens, & Lanaris, 2013). De plus, il nous semble important de préciser que des règles claires sont à la base de la majorité des programmes d’inspiration comportementale.

Conclusion

La composante code et procédures est une constituante essentielle de tout milieu et de toute intervention psychoéducative. Sa mise en valeur dans la structure d’ensemble représente une aide importante dans l’élaboration de programmes et d’interventions de qualité. Toutefois, afin d’être appliquée de façon optimale, elle doit nécessairement être associée à des savoirs-faire spécifiques (comment déterminer un code ?, quelles sont les techniques pour l’appliquer ?, etc.). Il serait donc important que des outils soient développés pour soutenir les intervenant dans ses démarches.

De plus, même si nous sommes persuadés de l‘importance d’un code clair, nous pensons qu’il serait pertinent de faire une recherche exhaustive sur les preuves empiriques de l’impact de la discipline ainsi que du code en général.

Références

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Compléments

Comment citer

Schüle, M. O. (2014). Code et procédure. Dans Unipsed.net. Repéré à http://www.unipsed.net/?p=2346

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