Temps (composante)

Résumé

Le temps est l’une des composantes satellites de la structure d’ensemble. Celle-ci a été publiée pour la première fois par Gilles Gendreau en 1978 dans le livre «L’intervention psycho-éducative Solution ou défi?». Elle a depuis été améliorée et retravaillée notamment par Gendreau (Gendreau 2001; Gendreau, Prince, & Bernier, 2005) et Renou (2005)

Le temps peut être compris comme le contexte temporel. Celui-ci peut être considéré notamment à l’échelle d’un milieu, d’un programme, d’une activité ou d’une intervention spécifique au sein de celle-ci. On distingue le temps objectif (celui qui est mesurable tel que les horaires, la durée des interventions, etc.) et le temps subjectif (la perception que les acteurs de l’intervention psychoéducative ont du temps).

L’objectif de cet article est de permettre au lecteur de se familiariser avec le concept de temps dans le cadre de la structure d’ensemble, ainsi qu’avec son application pratique.

1) Quelle est l’importance de ce concept dans la théorie psychoéducative?

La structure d’ensemble est l’un des concepts théoriques majeurs en psychoéducation. Son utilisation est d’ailleurs l’une des caractéristiques qui tendent à distinguer la psychoéducation des autres disciplines sociales. Le temps en tant que composante de celle-ci est donc essentiel.

2) Quel est le niveau de connaissance associé à ce concept?

Plusieurs recherches provenant notamment du domaine de l’intervention sociale traitent du temps. Dans le cadre de cet article, la durée de l’intervention, la fréquence de l’intervention, la durée d’une activité ainsi que l’horaire seront abordés.

3) En quoi ce concept est-il important dans la pratique psychoéducative aujourd’hui?

La structure d’ensemble est considérée généralement comme un élément central de la psychoéducation en tant que méthodologie de pratique (Renou 2005). Le temps en tant que composante de celle-ci est donc essentiel.

Attention : cet article fait actuellement l’objet d’une révision complémentaire par Boscoville 2000 et pourra donc être modifié en conséquence.

Introduction

L’une des théories ayant joué un rôle central dans le développement de la psychoéducation est la structure d’ensemble. Celle-ci fut développée par Gendreau et ses collaborateurs et publiée pour la première fois en 1978 dans l’ouvrage «L’intervention psycho-éducative Solution ou défi? ». Dans le même ouvrage, il développe le temps en tant que composante satellite de la structure d’ensemble, donnant ainsi à celui-ci un rôle significatif dans sa conception de l’intervention.

L’objectif de cet article est de permettre au lecteur de se familiariser avec cette composante d’abord de manière théorique et ensuite clinique. En premier lieu la composante « temps» sera définie et ses aspects subjectifs et objectifs distingués. Les applications cliniques de cette composante seront ensuite présentées en fonction des différentes échelles d’applications. Finalement ce texte se terminera par une recension des études empiriques faites sur cette composante ainsi que par une courte conclusion.

 Définitions

Dans sa première publication de la structure d’ensemble, Gendreau (1978) a élaboré plusieurs aspects de la composante temps. Selon lui, celle-ci fait d’abord référence au rôle et à l’influence de l’histoire du milieu sur son organisation actuelle. En effet, selon lui il est impossible de faire table rase des expériences passées du milieu dans son orientation actuelle, non pas parce que celle-ci la détermine nécessairement, mais parce qu’elles aident à bien saisir et à mieux articuler les défis qu’elle peut représenter. Par exemple connaître l’histoire d’un organisme issu de la fusion de trois organismes différents permet de comprendre des tensions existantes entre les anciennes « directions » ou des différentes façons de faire des intervenants. Pour Gendreau (1978) la composante temps désigne également tout le contexte de la durée du séjour des jeunes ainsi que l’équilibre qui est à rechercher à l’intérieur d’un horaire quotidien, d’un horaire hebdomadaire, ou encore d’un horaire annuel. Il rappelle finalement qu’une autre facette de la composante temps est l’horaire du personnel.

Selon Gendreau (1978) l’organisation du contexte temporel doit favoriser au maximum tant le bien-être (et non l’ennui) des jeunes que leur participation active (et non leur essoufflement) dans un cadre stable et convenant à la totalité de leurs attentes. Gendreau (2001) a, par la suite, retravaillé cette composante pour la définir comme le contexte temporel de l’intervention dans sa dimension objective et subjective. La dimension objective faisant référence aux horaires des jeunes et des animateurs (les heures, les semaines) ou à la durée fixée pour un placement et la dimension subjective faisant référence à la perception par le jeune et l’éducateur.

Poursuivant la réflexion, Renou (2005) a ajouté qu’il est possible de regrouper un certain nombre d’aspect sous la composante « temps ». En effet, celui-ci peut tant s’adresser à une période particulière de l’intervention, par exemple une activité définie, qu’au développement de l’intervention complète. Selon lui, le temps existe et se définit de façon objective du point de vue de la mesure ou de la manière dont il est agencé en lien avec l’ensemble des autres composantes de l’organisation de la situation d’intervention. Il a précisé que le temps se décline également sous un angle subjectif selon la perception que le sujet aura de cette durée et de cette détermination en fonction des capacités perceptives et de son vécu personnel et du sens qu’il donne à l’activité.

Le temps peut être compris comme le contexte temporel. Celui-ci peut être considéré notamment à l’échelle d’un milieu, d’un programme, d’une activité ou d’une intervention spécifique au sein de celle-ci. On distingue le temps objectif (celui qui est mesurable tel que les horaires, la durée des intervention, etc.) et le temps subjectif (la perception que les acteurs de l’intervention psychoéducative ont du temps).

Emplacements de la composante temps dans la structure d’ensemble

Temps

(Gendreau, Prince, & Bernier, 2005).

La composante « temps » est une composante satellite. En tant que tel, le temps est donc influencé par les sujets, les éducateurs ainsi que les objectifs visés. Toutefois celle-ci est également influencée par toutes les autres composantes satellites. Ainsi, par exemple, si la composante « code et procédure » est inadéquate cela peut entrainer une perte de temps ou mener à un changement dans le déroulement de l’activité. De même une modification dans l‘espace disponible peut entrainer un changement dans l’horaire.

Réciproquement, le temps influence également les autres composantes. Ainsi par exemple une durée de séjour déterminée légalement peut influencer les objectifs qui pourront être atteints avec les sujets. De même, le temps de la journée où se déroule l’activité peut influencer le moyen de mise en relations. Toutefois Gendreau (Gendreau & Boscoville 2000, 2003) rappelle que pour autant le temps ne doit jamais remplacer les objectifs au centre de la structure d’ensemble au risque de déséquilibrer celle-ci et de lui faire perdre son sens.

Temps objectif et subjectif :

Gendreau (2001) et Renou (2005) ont tous les deux mis l’accent sur les aspects objectifs et subjectifs du temps. Ces notions sont capitales puisqu’il est du devoir de l’éducateur professionnel de voir à ce que les activités, les moments de vie se déploient dans un temps qui tient compte à la fois du temps objectif et du temps tel qu’apprécié par le sujet (Gendreau, Prince, Levesque, & Beaulieu, 2005b). Il est donc pertinent d’élaborer plus en profondeur sur ces concepts.

Temps objectif :

Poursuivant les travaux de Gendreau (2001), L’équipe de Boscoville 2000  (Gendreau, Prince, & Bernier, 2005) a redéfini le temps objectif comme celui qui peut être mesuré par des instruments. Les minutes, les heures, les jours, les mois, etc., sont des unités de temps objectif. Qu’il s’agisse de la durée d’un moment de vie, d’une activité ou d’un placement, le temps objectif est mesurable, observable par le biais de ces unités.

De façon complémentaire, Renou (2005) rappelle qu’il est possible de considérer le cadre temporel objectif sous différents aspects :

  • L’aspect quotidien : C’est à dire le moment choisi à l’intérieur de la journée pour le déroulement de l‘activité concernée.
  • L’aspect hebdomadaire : C’est à dire l’ampleur accordée à cette intervention à l’intérieur du programme général et le moment choisi dans l’horaire de la semaine.
  • L’aspect mensuel et annuel : C’est à dire comment peuvent se coordonner les différents points culminants de l’ensemble des activités de tous les programmes spécifiques et du programme général d’intervention du milieu.
  • L’aspect séquentiel : C’est à dire les subdivisions d’un programme d’intervention spécifique : sensibilisation, réalisation, point culminant, analyse rétrospective.
  • L’aspect unitaire : C’est à dire comment, un programme d’intervention spécifique se subdivise : Transition, mise en train, production proprement dite, retour et évaluation

Il est à noter que les aspects séquentiels et unitaires peuvent également être considérés selon les étapes de Gendreau (2001) : Sensibilisation, prise de contact, déroulement, retour

Temps subjectif :

Complétant la notion de temps objectif, Gendreau (2001) a introduit la notion de temps subjectif. Celui-ci met l’accent sur la manière dont chacun perçoit le temps objectif. Le temps subjectif fait donc référence au rythme particulier de chaque individu, à son histoire, telle que racontée par sa configuration du passé, du présent et du futur.

Selon Renou (2005) le temps subjectif est la durée de l’activité, telle que perçue par le sujet, selon ce qu’il est appelé à faire à l’intérieur de celle-ci. C’est le temps tel que vécu dans sa signification particulière, compte tenu des particularités des acteurs concernés. Cette perception subjective du temps peut donc être plus ou moins différente de celle du temps objectif. Selon Renou (2005), le temps subjectif se définit également comme le rythme d’apprentissage de chacun des sujets.

S’appuyant sur ces définitions, l’équipe de Boscoville 2000  (Gendreau, Prince & Bernier, 2005) a redéfini le temps subjectif comme la perception qu’a un individu de la durée des moments, des activités, des évènements. Le temps subjectif est particulier à chacun selon ses expériences antérieures, selon son état d’âme du moment ou selon ses besoins du moment. Le temps subjectif, représente la signification que prend le temps pour l’individu.

Gendreau (2001) accorde une importance particulière à la jonction entre le temps objectif et le temps subjectif. Autrement dit à ce que les acteurs vivent pendant que le temps s’écoule (Gendreau & Boscoville 2000, 2003). Afin de mettre cette jonction en valeur il nomme celle-ci « temps réel vécu ». Ainsi, le temps réel vécu peut se concrétiser de nombreuses manières comme par l’articulation, dans un horaire donné de la durée, la fréquence et de la séquence de activités proposées en y insérant les éléments du rythme de la personne. (Gendreau, 1978).

Pour Gendreau (2001), l’une des tâches de l’éducateur est précisément d’harmoniser l’aspect objectif et subjectif dans le temps réel vécu afin que le jeune, par exemple, puisse suivre son rythme sans pour autant imposer sa cadence à l’ensemble des autres sujets du milieu.

Exemples complémentaires de temps réel vécu (Gendreau, 2001) :

Gendreau (2001) donne l’exemple suivant : « En période de crise, le jeune vit le temps à un rythme accéléré et dramatique qui lui fait perdre toute notion de temps objectif. On peut facilement imaginer ce que cela exige de disponibilité, de sécurité et de sang froid de la part de l’éducateur pour ne pas se laisser lui même envahir par l’emballement du temps que connait le jeune. » (P.282)

Applications cliniques

La mise en œuvre de la composante temps est différente selon l’échelle d’intervention à laquelle elle s’applique. En effet, selon qu’elle soit appliquée à un milieu, un programme ou une intervention, les aspects à développer seront différents.

Le temps à l’échelle du milieu :

Lorsque la composante temps est envisagée à l’échelle d’un milieu, elle englobe, les horaires qui rythment sa vie et ses différentes activités – quotidiennes, hebdomadaires, mensuelle, annuelle, les temps forts ou périodes spéciales ; les vacances ; etc. (Renou, 2005). Elle englobe également la durée des interventions, l’horaire du personnel et l’histoire du milieu (Gendreau, 2001).

Appliquer la composante « temps » à l’échelle d’un milieu implique donc de tenir compte de chacun de ses facteurs en particulier :

– La durée des interventions : L’intervenant a l’obligation de réfléchir à la durée de l’intervention psychoéducative et en particulier à la durée des séjours des sujets dans un milieu d’intervention. À l’époque de sa publication, Gendreau l’a définie en précisant que l’intervention ne peut en aucun cas, se voir imposer un carcan temporel et être déterminée de manière générale à l’avance pour tout le monde. Il est toutefois important de remettre cette affirmation en contexte. En effet, au début de l’intervention psychoéducative, les psychoéducateurs étaient responsables d’évaluer la durée nécessaire du séjour des jeunes dans les unités en fonction de leurs progrès. De plus, les considérations pragmatiques budgétaires n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. Dans une perspective clinique moderne, il est impensable que le temps – parfois imposé par la loi – n’ait aucune influence sur les objectifs de réadaptation des sujets de l’intervention. La composante temps et la composante objectif sont toujours en interaction et doivent en permanence s’adapter l’une à l’autre. Cependant comme le rappelle Gendreau, il est vrai que c’est au psychoéducateur de veiller à ce que les objectifs restent au cÅ“ur de la structure d’ensemble, autrement dit que le temps demeure un moyen d’atteindre des objectifs pertinents pour les sujets. Il semble utile de rappeler ici que, le modèle psychoéducatif se base sur la création d’une relation significative. Cette relation nécessite un temps suffisant pour se créer. De la même façon s’il veut être en mesure de décoder les signaux émis dans le contexte, l’éducateur a besoin d’un certain temps pour se sensibiliser au jeune et au contexte, dans un vécu éducatif partagé.

– Les horaires : Le temps rythme l’organisation même du milieu. En particulier par le biais de l’horaire quotidien, l’horaire hebdomadaire et le calendrier annuel. Le psychoéducateur doit être conscient de chacun de ces aspects et veiller à ce que ceux-ci favorisent au maximum le bien-être et la participation des jeunes.

– L’horaire du personnel : L’horaire de travail d’un milieu est un facteur déterminant de son organisation. Le principe est que l’horaire de travail du personnel doit permettre à ces derniers d’être dans les meilleures dispositions possibles afin d’être disponible pour les jeunes durant les temps de présence. Gendreau (2001) rappelle que la conception de l’horaire du personnel ne devrait pas se résumer aux heures de présence auprès des jeunes. La préparation, la communication des observations, l’évaluation, le perfectionnement, bref, l’ensemble des opérations exigées par la tâche des éducateurs doit être prise en compte. Ces divers aspects sont une condition sine qua non pour que l’éducateur puisse conserver sa capacité d’objectivité tout en continuant son évolution professionnelle.

– L’histoire du milieu : Finalement il est nécessaire de comprendre que l’histoire du milieu influe sur son organisation et peut apporter un éclairage intéressant sur les limites et les forces de ce milieu « ici et maintenant. » Ainsi un historique de tension marquée entre le personnel administratif et les intervenants dans un milieu peut permettre de mieux comprendre les relations entre les différents membres d’une équipe. De même, un milieu d’intervention où les membres du personnel ont vécu des situations d’agressions a une forte probabilité d’avoir des codes et procédures différents d’un milieu qui n’a pas eu à vivre ces situations.

La dimension subjective a aussi son importance à cette échelle. C’est la signification individuelle du vécu de l’organisation temporelle pour les intervenants, sujets ou référents (Renou, 2005). À titre d’exemple : la perception de la durée du séjour, la satisfaction des intervenants face à leur horaire de travail, la perception que le sujet a de la durée de l’intervention, s’il l’apprécie ou s’il ne l’apprécie pas, etc.

C’est à cette notion que se rattache également la notion de tradition que Gendreau (1978) définissait comme l’ensemble des vécus expérientiels antérieurs successivement conservés et retransmis. Ainsi, par exemple, si les anciens sujets transmettent une image positive du milieu d’intervention aux nouveaux sujets, cela aura un impact sur l’intervention. De même si un nouvel intervenant voit que les intervenants ont une perception très négative de l’utilisation de la salle d’isolement – par exemple pour des raisons de convictions ou suite à une mauvaise expérience -, cela risque d’influencer sa perception et l’utilisation de celle-ci.

Le temps à l’échelle d’un programme spécifique :

La composante temps peut être appliquée à l’échelle d’un programme spécifique (ex : programme d’habiletés sociales). À cette échelle tenir compte de la composante temps implique non seulement de déterminer la durée de celui-ci mais également les différentes étapes qui en rythment la réalisation: sensibilisation ; réalisation ; point culminant ; analyse rétrospective (Renou, 2005) ou sensibilisation, prise de contact, déroulement, retour (Gendreau, 2001)

Le temps à l’échelle de l’activité :

La composante temps peut être appliquée à l’échelle d’une activité (ex : une activité de soccer). À cette échelle tenir compte de la composante temps implique de déterminer la durée, la fréquence ou la séquence des différentes périodes consacrées à cette activité. C’est aussi l’enchainement des différentes étapes qui rythment la réalisation d’une seule période : transition, mise en train, réalisation proprement dite, retour sur l’activité, évaluation, fin de l’activité, transition (Renou, 2005) ou sensibilisation, prise de contact, déroulement, retour (Gendreau, 2001) Il est à noter que même si les termes sont similaires à ceux utilisés lors des étapes du programme spécifique ils recouvrent des réalités différentes.

À l’échelle de l’activité, le temps subjectif se définit par la signification particulière du temps tel que vécu par les sujets, référents ou intervenants. Elle dépend notamment de la durée et de la fréquence des périodes, de la place qu’elle occupe dans l’ensemble du programme, des histoires personnelles des différents acteurs dans cette activité ou dans le même type d’activité. Cette signification sera fonction du rapport existant entre les affinités, vulnérabilités ou urgences des sujets et les différents moments vécus. (Renou, 2005)

Le temps à l’échelle de l’intervention :

Il est à noter que chaque intervention au sein d’une activité possède également une composante temps qui se manifeste par exemple dans la durée ou le « timing » de celle-ci (Gendreau & Boscoville 2000, 2003).

Soutiens empiriques:

En date d’aujourd’hui, il n’existe aucune recherche soutenant la composition théorique de la structure d’ensemble. Il en est par conséquent de même pour la composante temps. Toutefois, l’importance du facteur temps a été démontrée comme jouant un rôle majeur en réadaptation.

Durée de l’intervention:

Les recherches sur la durée optimale d’un traitement sont en plein essor, mais restent encore lacunaires (Ambresin, Zimmermann, De Roten & Despland, 2009). De plus, il est complexe de parler de l’impact général de la durée d’une intervention puisque celle-ci dépend généralement des caractéristiques de celle-ci ainsi que de la caractéristique des sujets. Toutefois des recherches intéressantes ont été effectuées dans le champ de la psychothérapie. Dans les années 50–60, plusieurs études ont examiné le lien entre le nombre de séances de psychothérapie et les résultats thérapeutiques. Elles ont montré que plus le nombre de séances était important, plus le patient bénéficiait des effets de la thérapie Seeman, 1954, Standal &Van der Ween, 1957, Johnson, 1965, Cités dans Ambresin, Zimmermann, De Roten & Despland, 2009; Seligman, 1995).

Ces résultats ont depuis été développés principalement sous deux optiques, l’évolution mesurée individuellement ou celle mesurée sur l’ensemble d’un groupe.

Au niveau du groupe, il peut être observé que plus il y a de séances de psychothérapie, plus la probabilité d’amélioration est importante (Figure1). Cependant, le «rendement» décroît avec l’augmentation du nombre de séances Cette courbe est communément dénommée courbe dose-effet (Howard, Kopta, Krause, & Orlinsky, 1986; Kopta, Howard, Lowry & Beutler, 1994 ; Ambresin, Zimmermann, De Roten & Despland, 2009).

Figure1: Relation entre le nombre de séances de psychothérapie et le pourcentage de patients améliorés

T1

(Howard, Kopta, Krause & Orlinsky, 1986, cité dans Ambresin, Zimmermann, De Roten, & Despland, 2009).

Cette courbe est fortement influencée par le critère sélectionné pour définir le succès thérapeutique ainsi que par la problématique du client (Ambresin, Zimmermann, De Roten & Despland, 2009)

Au niveau de l’individu, les résultats sont différents. En effet, l’amélioration individuelle d’un patient au cours de son traitement progresse de manière linéaire (figure 2) (Barkham, et al., 2006; Ambresin, Zimmermann, De Roten, & Despland, 2009).

Figure2: Evolution symptomatique des patients bénéficiant de 8 ou de 16 séances

T2

(Barkham, et al., 2006 Cité dans Ambresin, Zimmermann, De Roten, & Despland, 2009).

L’affaiblissement de l’augmentation de la courbe à la figure 1 (le fait qu’elle devienne « Plus plate ») serait donc du au fait de considérer l’évolution d’un groupe d’individus au lieu de l’évolution individuelle au fil des séances (Barkham, et al., 2006 ; Ambresin, Zimmermann, De Roten, & Despland, 2009).

D’autres résultats suggèrent que les courbes obtenues dans les premières recherches (figure1) refléteraient des effets dus aux patients rapidement améliorés qui quittaient l’échantillon. Ainsi, la partie «plus plate» de la courbe dose-effet ne représente pas une diminution de l’efficacité des dernières séances, mais plutôt que les patients faciles à traiter répondent rapidement alors que dans les séances suivantes restent uniquement les patients difficiles à traiter ou résistants.

Ces résultats sont à modérer en fonction de l’intervention utilisée et du groupe de sujets, comme l’illustrent les deux exemples suivants :

– Pour les jeunes contrevenants les métaanalyses (Lipsey 1989 in Leblanc 2003; Lipsey et Wilson, 1998) suggèrent que l’efficacité augmente avec l’importance de l’intervention (durée) à la fois pour les programmes dans la communauté et davantage pour les programmes en internat. Cela est cohérent avec les résultats obtenus par exemple lors de la recherche évaluative à Boscoville (Leblanc, 1983; Leblanc, 2003). Celle-ci indiquait en effet que les gains étaient obtenus chez les adolescents après un séjour d’une durée d’une douzaine de mois qui variait selon les individus. De plus, l’adolescent qui séjournait plus de deux années ne faisait plus de gains appréciables à partir de ce moment-là.

– À l’opposé, pour des adolescents souffrant d’anorexie des résultats indiquent qu’il n’y a pas de différences significatives entre une intervention familiale à long terme et une intervention familiale à court terme (Lock, Agras, Bryson & Kreamer, 2005).

Rechercher la durée optimale d’une intervention implique donc de s’assurer que les recherches empiriques utilisées s’appliquent à l’intervention et aux sujets choisis.

Il est à noter que les effets de certaines variables vont être modifiés avec la durée de l’intervention. Ainsi par exemple, la composition du groupe aura un effet plus fort si l’activité est moins structurée et si la durée de l’intervention est plus longue. (Waltman & Zimpfer, 1988)

La question de la durée optimale d’une intervention est une question complexe. Depuis le virage ambulatoire il est possible de constater une forte augmentation des interventions brèves. Comme cela a été illustré précédemment cela peut mener à une amélioration de l’efficacité tout comme à une diminution. Il est donc plus que jamais important de vérifier les recherches empiriques sur les durées optimales des interventions.

Fréquence de l’intervention

De façon générale plus un traitement est intensif meilleur sont les résultats (Bergin, 1971 cité dans Chery, McNeilly & Kenneth, 2008). Toutefois, une fois de plus, il est nécessaire de tenir compte de l’intervention et des sujets. Ainsi par exemple pour les jeunes contrevenants les métaanalyses (Lipsey 1989 cité dans Leblanc, 2003; Lipsey & Wilson, 1998) indiquent que l’efficacité augmente avec l’importance de l’intervention (fréquence du traitement; nombre d’heures par semaines) à la fois pour les programmes dans la communauté et davantage pour les programmes en internat. Toutefois ces résultats ne peuvent pas être généralisés à d’autres interventions ou d’autres sujets.

Durée d’une activité 

Déterminer la durée optimale d’une activité ou d’une séance doit tenir compte de nombreuses caractéristiques: la tâche demandée, la problématique travaillée, l’âge des sujets, les capacités attentionnelles de ceux-ci.

La recherche indique par exemple que les capacités d’attention sont plus faibles chez des enfants souffrant de TDAH, la durée de l’intervention doit donc logiquement être adaptée en conséquence (Barkley, 1990 ; Barkley & Murphy, 1998).

Horaire:

Plusieurs variables, telles que par exemple la capacité attentionnelle des enfants (Batejat, Lagarde, Navelet & Binder; 1999) varie durant la journée ainsi qu’au cours de la semaine ou de l’année. Ce sont des facteurs qui doivent être pris en compte autant que possible dans la définition d’un horaire.

Conclusion

Le temps est une dimension omniprésente dans toute intervention psychoéducative. Toutefois, tel que le rappelle Gendreau (2001), c’est paradoxalement cette permanence même qui peut faire obstacle à une prise de conscience de celui-ci et faire qu’elle soit oubliée par l’intervenant. A l’opposé, il arrive qu’il soit donné une importance trop importante à cette composante et que celle-ci devienne un objectif plutôt qu’un moyen d’atteindre les objectifs de l’intervention.

L’intégration de cette composante à la structure d’ensemble est une aide importante à l’intervenant puisqu’elle permet de mettre en lumière cette dimension de l’intervention et ainsi d’éviter qu’elle soit oubliée ou qu’on lui donne un rôle trop central. Cela permet de faire en sorte que cette dimension contribue pleinement à l’atteinte des objectifs de l’intervention.

Toutefois, si les notions de « temps subjectif » et de « temps objectif » doivent être prises en compte pour assurer la réussite de l’intervention, il serait utile de déterminer si la notion de « temps réel vécu » ajoute quelque chose à notre compréhension de cette composante.

De plus, de la même façon que des soutiens empiriques doivent être développés pour valider la structure d’ensemble, des études devront être construites afin de permettre de mieux comprendre et d’appliquer cette composante (durée optimale des interventions, etc).

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Compléments

Comment citer

Schüle, M. O. (2012). Temps. Dans Unipsed.net. Repéré à http://www.unipsed.net/?p=1254

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