Retrait (Technique d’intervention)

Dans l’attente d’un prochain article sur le retrait, nous publions avec l’accord de Marcel Renou, un extrait du livre: Renou, M. (2005). Psychoéducation, une conception, une méthode. Montréal, QC : science et culture.

Définition

Il s’agit de retirer un sujet du groupe, pour une courte période, afin de l’éloigner de la zone de conflit.

Indications

Cette technique peut être employée de façon préventive ou curative. Quand on ne peut le prévoir (programmation préventive), le retrait s’inscrit au niveau de la réorganisation de la situation d’intervention. On peut l’utiliser, entre autres, pour les raisons suivantes

– Dans les situations de danger physique où le sujet, par son comportement, risque de se blesser ou de blesser les autres.

– Quand le sujet est constamment stimulé, dans son agir déviant, par les autres membres du groupe, soit à cause de l’activité en cours, à laquelle il ne peut faire face comme les autres membres du groupe, soit que ces derniers exploitent sciemment son manque de capacité ou de contrôle.

– Quand le sujet , par son comportement déviant, est l’objet de la contagion du groupe.

– Pour sauver la face du sujet. On l’amène alors hors du groupe sous un motif quelconque, lui permettant de sortir de la situation de conflit sans que ce retrait revête nécessairement un aspect punitif aux yeux des autres sujets.

– Pour faciliter l’intervention de l’éducateur, qui perçoit qu’il n’a pas les moyens de vraiment atteindre son objectif d’intervention en présence du groupe, soit à cause de l’activité en cours, à laquelle il ne peut faire face comme les autres membres du groupe, soit que ces derniers exploitent sciemment son manque de capacité ou de contrôle.

– Pour faciliter l’intervention de l’éducateur, qui perçoit qu’il n’a pas les moyens de vraiment atteindre son objectif d’intervention en présence du groupe.

– Pour faire respecter le code de l’activité en cours. Ce code délimite certaines normes de conduite et clarifie, par ses procédures, les conduites acceptables ou non. Certains sujets peuvent délibérément s’y opposer, donc s’inscrire hors de la logique du fonctionnement évolutif du groupe. Une élimination temporaire permet souvent au sujet de trouver ou retrouver une perception du sens de cette logique.

Cette technique peut permettre une utilisation des effets secondaires à l’élimination. La personne accessible, susceptible d’accompagner adéquatement dans son retrait, n’est évidemment, pas celle qui ajoute au retrait une punition automatique. C’est une personne qui peut permettre au sujet l’épanchement d’un trop-plein de frustration, parce qu’elle n’est pas directement partie au conflit entre l’éducateur et le sujet. Elle peut donc mieux éclairer le sujet et parfois l’éducateur qui , pris souvent de court par l’urgence de la situation, est limité par des réactions impulsives d’insécurité et d’agressivité.

On peut ainsi utiliser ‘’ à chaud’’ la situation de retrait pour déborder le cadre immédiat et situer de nouveau l’événement dans la perspective de l’ensemble des objectifs du programme d’intervention et des conduites que le sujet doit adopter pour y parvenir. C’est évidemment, pour la personne qui accueille le sujet, un rôle délicat qui demande un doigté, de l’expérience et de la maturité, de même que le respect et la confiance autant de l’éducateur que des sujets. Cette personne qui accompagne le retrait n’est pas un juge ni un arbitre; son rôle consiste d’abord à fournir une aide supplémentaire pour que l’intervention éducative puisse se poursuivre.

Pour demeurer positive, cette intervention ne doit pas être vue comme se substituant à celle de l’éducateur directement concerné, pour cause d’incapacité personnelle de ce dernier à agir adéquatement. Elle ne doit pas être non plus l’occasion d’obtention de gains secondaires pour le sujet, ce qui pourrait l’amener à rechercher cette situation, donc à répéter les comportements déviants appelant le retrait.

Contre-indications

Cette technique est délicate dans son application et toute perception négative à long terme de son utilisation peut amener un certain nombre d’effets pervers à éviter, dont les suivants ;

– On essaiera de protéger les acquis et la relation établie. Il s’agit donc d’éviter que le retrait du sujet soit perçu par lui, à moyen terme, comme un rejet de la part de l’éducateur et une exclusion du groupe sur la base du seul jugement ou d’un manque de tolérance de ce dernier. Sur-le-champ, il est possible que ce soit le cas. L’éducateur doit alors faire en sorte de rencontrer le sujet quand les conditions de fonctionnement seront meilleures et lui interpréter de nouveau les motifs et les événements qui l’ont amené à utiliser ce moyen. La perception du réalisme du geste posé par l’éducateur sera pour le sujet fonction de sa capacité de prise de conscience, à la fois de son propre comportement et de ses effets , comme des motifs réels de l’éducateur.

– Il faut se préoccuper de l’effet que le retrait temporaire d’un sujet aura sur le groupe. À partir de la perception d’une action punitive, le groupe peut se sentir coupable de ce qui arrive au sujet ou menacé dans son code interne de fonctionnement. Ce retrait peut alors déclencher une réaction d’agressivité de l’ensemble du groupe par un phénomène d’identification au cas du sujet concerné. Ce phénomène peut se produire même si le sujet comprend le bien-fondé de l’action de l’éducateur et l’accepte relativement bien.Il peut y avoir également une identification mal faite aux attitudes de l’éducateur dans le cas où le retrait concerne un sujet jouant le rôle de bouc émissaire. Dans le cas où ce retrait concerne un des leaders du groupe (positif ou négatif) , c’est la sécurité et l’image de l’éducateur qui sera souvent directement mise en cause par l’ensemble du groupe.

– Il faut se préoccuper également des conséquences que le retrait peut avoir sur le statut personnel du sujet dans le groupe. Dans un cas, il peut lui faire perdre la face et éventuellement le transformer en bouc émissaire. Dans un autre cas, l’événement peut devenir l’occasion de libération de toutes les frustrations, oppositions et contestations de l’autorité en général ou de l’éducateur concerné en particulier. Le motif de départ ayant amené l’action auprès du sujet n’a alors plus d’importance et n’est plus que le détonateur d’une contestation dans un rapport de force, d’où il est souvent difficile de sortir sans pertes des deux côtés.

– Un retrait n’est possible que si l’on possède les ressources physiques (particulièrement au plan spatio-temporel) et humaines pour réaliser ce retrait dans des conditions favorables à l’atteinte des objectifs de l’intervention. Pour l’aider à se contrôler, où pouvons-nous placer le sujet? Pendant combien de temps? Avec qui? Comment sa sécurité physique et sa sécurité psychologique seront-elles assurées? Il faudrait évidemment éviter que les conditions dans lesquelles s’effectue ce retrait ne provoquent des comportements encore plus déviants que ceux qui ont justifié l’intervention. L’objectif étant une réintégration plus harmonieuse dans le groupe, un des meilleurs moyens est souvent de fournir une alternative d’activité au sujet concerné, pour ainsi éviter qu’il ne se retrouve dans une situation de vide dans la prise en charge.

Comment citer

Renou, M. (2005). Psychoéducation, une conception, une méthode. Montréal, QC : science et culture.

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2 réponses à «Retrait (Technique d’intervention)»

Marc-Olivier Schülea écrit:

Il serait intéressant de parler des sources suivantes:

-Garon, B. et Roy, M. (1996) comprendre le comportement humain: observer analyser, intervenir. Québec: édition behaviora, (pp329-359) - Redl. F. et Wineman, D. (1964) L'enfant agressif. Tome 1 le moi désorganisé Paris, Fleurus. - Redl. F. et Wineman, D. (1964) L'enfant agressif. Tome 2, Méthodes de rééducation. Paris, Fleurus.

Marc-Olivier Schülea écrit:

Il serait intéressant d’ajouter les informations et les exemples provenant de l’ouvrage suivant :

Trudeau, H., Desrochers, C., & Tousignant, J.L. (1997). Et si un geste simple donnait des résultats. Guide d’intervention personnalisée auprès des élèves. Montréal, QC Chenelière/McGraw-Hill