Contrainte physique (Technique d’intervention)

Dans l’attente d’un prochain article sur la contrainte physique, nous publions avec l’accord de Marcel Renou, un extrait du livre: Renou, M. (2005). Psychoéducation, une conception, une méthode. Montréal, QC : science et culture.

Définition

L’éducateur prend des moyens qui empêchent physiquement le sujet de se comporter de façon déviante. Différents types de contraintes peuvent entrer dans cette catégorie, comme la simple retenue « à corps », l’utilisations d’objets et de technique de contrôle ( entraves, bouclier, techniques d’autodéfense, etc.) ou la mise en chambre d’isolement. Elle peut même englober certaines interventions chimiothérapeutiques.

Indications

Sans pouvoir entrer dans le détail de chacune de ces formes de contrainte, il est important de retenir que la contrainte physique est employée pour contenir ou prévenir une désorganisation importante du sujet. Il y a très nettement situation d’urgence et on ne peut laisser s’extérioriser le comportement sans danger pour le sujet lui-même ou pour ceux qui l’entourent. Il s’agit d’arrêter et d’empêcher le sujet d’agir dans le sens déviant adopté, donc de restreindre physiquement sa liberté d’action.

Dans le cas d’une contrainte ‘’ à corps’’ qui constitue, la plupart du temps, le premier niveau d’intervention, l’éducateur se sent souvent mal à l’aise de devoir employer de tels moyens. Outre le fait qu’il ne possède pas toujours la force physique nécessaire pour exercer cette contrainte, il s’agit souvent d’une certaine forme de constat d’échec de son action éducative. Cette technique heurte d’une certaine façon l’image que l’on se fait de la démarche adaptative du sujet et de notre capacité de lui fournir les conditions d’organisations et d’accompagnement appropriées.

La contrainte physique consiste à exclure, de force, le sujet du lieu du conflit. L’idéal est évidemment de demeurer le plus calme possible compte tenu du fait que cette action de contrainte demande souvent une dépense énergétique relativement considérable, tant chez le sujet que chez l’éducateur. L’éducateur essaiera de retrouver ce calme, le plus rapidement possible, dans le cas où la résistance du sujet et le contact physique inévitable auront déclenché des réactions normales d’augmentation de tension, sinon des réactions d’impulsivité de sa part.

Il peut s’avérer utile comme moyen de contrôle, autant pour l’éducateur que pour l’apaisement du sujet, d’accompagner cette contrainte de paroles allant dans un sens inverse au comportement actuel et de ne pas répondre aux insultes éventuelles proférées par le sujet. On peut par exemple répondre en utilisant, sous un autre ton, une interprétation littérale des paroles du sujet accompagnée d’une réponse véhiculant le message que l’on veut transmettre. Ce type de réponse est loin d’être facile surtout quand la contrainte physique que l’on exerce amène le sujet à donner des coups.

Ces interventions sont sûrement difficiles à faire. Elles requièrent non seulement des possibilités physiques qui peuvent souvent se traduire par une question de poids et de tailles comparés entre le sujet et l’éducateur, mais aussi une sécurité à pouvoir le faire. Elles doivent être considérées clairement et non pas escamotées ou passées sous un silence gênant. On doit considérer non seulement inévitable mais normal de devoir faire appel à l’intervention du personnel de sécurité. Ce devrait être dans une perspective de meilleure protection du sujet et de lui-même que l’éducateur devrait poser ce geste. Cet appel à du personnel, a priori non éducatif, peut être vu comme un échec par l’éducateur dans un premier temps. Une relecture a posteriori des évènements dans le cadre d’une supervision devrait l’amener à objectiver davantage et à identifier au fur et à mesure de l’expérience les limites à ne pas franchir et les risques à éviter.

C’est ici que l’échange, le support d’équipe ou la supervision professionnelle s’avère particulièrement indispensable. Cette technique demande à l’intervenant de se situer autant comme personne que comme éducateur, à savoir jusqu’où est-il permis et jusqu’où peut-il se permettre d’aller dans la contrainte, dans les limites de son mandat d’éducateur et de son image personnelle? L’emploi de cette technique est certes l’occasion d’une remise en question, par l’intervenant , de sa pertinence et de son rôle professionnel. C’est également une occasion de dépassement et d’évolution.

Contre-indications

Il s’agit d’une technique de protection et ce n’est que dans cet esprit qu’elle doit être comprise. Il ne peut s’agir de la rationalisation d’une forme plus ou moins déguisée d’agression de la part de l’éducateur envers le sujet.

Elle n’a rien à voir avec la ‘’ gifle thérapeutique’’. Il ne faudrait d’ailleurs pas se leurrer sur l’efficacité à court terme, souvent revendiquée, de telles interventions. Ce qui se produit alors chez le sujet, c’est la peur et l’agressivité, même si c’est le contraire qui exprimé. Si on emploie de telles formes d’intervention, autrefois appeler ‘’ châtiments corporels’’, il faut accepter que ce soit cette peur que l’on veuille produire et que le sujet va commencer ou continuer d’apprendre de cette façon.

On se doit alors, dans cette perspective d’intervention par la punition corporelle, de se poser des questions : Pour qui? À quel âge? Jusqu’à quel poids ou quelle taille du sujet? Pour quel type de déviance et de handicap? Dans quel contexte d’intervention?

Enfin, nous devons retenir que la contrainte physique ne règle rien en soi, que c’est une façon d’arrêter un comportement et cela ne saurait agir sur les causes de ce comportement. Son emploi doit donc s’accompagner de la possibilité de retour avec les sujets sur le événement qui en on provoqué l’emploi, en vue de la recherche conjointe d’autres techniques dans le cas de la répétition de la conduite déviante.

Considérations supplémentaires

Il peut arriver que dan une situation de contrainte et de confrontation atteignant un degré élevé de tension, un éducateur parfois même expérimenté, fasse des gestes qu4ils n’aurait pas posé dans une situation de maîtrise de soi. Ces gestes sont contraires à ses valeurs, ses principes éducatifs ou à l’image qu’il se fait de lui même. C’est une chose de se laisser emporter par l’agressivité ou la peur, mais c’est autre chose de rationnaliser ses pertes de contrôle sous le couvert de technique éducative hypothétiquement appropriée à la clientèle.

Comment citer

Renou, M. (2005). Psychoéducation, une conception, une méthode. Montréal, QC : science et culture.

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2 réponses à «Contrainte physique (Technique d’intervention)»

Marc-Olivier Schülea écrit:

Il serait intéressant de parler des sources suivantes:

-Garon, B. et Roy, M. (1996) comprendre le comportement humain: observer analyser, intervenir. Québec: édition behaviora, (pp329-359) - Redl. F. et Wineman, D. (1964) L'enfant agressif. Tome 1 le moi désorganisé Paris, Fleurus. - Redl. F. et Wineman, D. (1964) L'enfant agressif. Tome 2, Méthodes de rééducation. Paris, Fleurus.

Marc-Olivier Schülea écrit:

Il serait intéressant d’ajouter les informations et les exemples provenant de l’ouvrage suivant :

Trudeau, H., Desrochers, C., & Tousignant, J.L. (1997). Et si un geste simple donnait des résultats. Guide d’intervention personnalisée auprès des élèves. Montréal, QC Chenelière/McGraw-Hill